Arnaud Larher : la gourmandise est une vilaine qualité

Arnaud Larher : la gourmandise est une vilaine qualité

Ses macarons – au champagne, aux mille fleurs ou au coca cola- sont les plus prisés de Paris, sa tarte citron vient d’obtenir la deuxième position des meilleures du genre dans le palmarès 2017 et il est, depuis un an, le pâtissier officiel de l’hôtel Grande Bretagne d’Athènes. Arnaud Larher est aujourd’hui incontournable. Il se rend une fois par mois dans la capitale grecque pour créer, impliquer ses équipes et préparer ses nouvelles cartes pour l’été. Avant d’ouvrir sa nouvelle boutique au Japon, ce Breton passionné par son métier nous a accordé un entretien tout en douceur.

Durant ce second confinement, il est possible de commander les pâtisseries par le biais de l’hôtel Grande Bretagne.

Cela fait près d’un an que vos pâtisseries ont été intégrées à la carte de l’hôtel Grande Bretagne. Quel est votre premier bilan ?

Je suis très content, on évolue dans le bon sens. C’était un pari pour la direction de faire venir un chef de l’extérieur qui puisse s’intégrer aux équipes. Un projet ambitieux mais j’ai donné une ligne directive dès le départ et on est tombé d’accord. Résultat, on avance à ma cadence et bien.

Et quelle est la « cadence » d’Arnaud Larher ?

La cadence d’Arnaud c’est de faire les choses les unes derrière les autres sans vouloir aller plus vite que la musique. C’est un rythme soutenu mais cela ne signifie pas qu’on doit tout faire d’un seul coup. Quand c’est pour soi-même, on va à la cadence qu’on veut, mais à partir du moment où on délègue du travail, comme moi ici, dans une langue étrangère, à trois équipes (deux du restaurant du Grande Bretagne et un du King Georges), il faut laisser le temps aux gens de s’imprégner des nouveaux produits qu’ils ne connaissent pas. Cela s’adresse tant aux pâtissiers qu’aux serveurs et serveuses. Il faut que ces derniers puissent avoir goûté le gâteau, on leur explique comment il a été fabriqué et au final, quand le client demande ce qu’il peut déguster, il est bien conseillé par des serveurs qui connaissent le produit. En quelques mois, j’ai vu ce changement. Je l’avais déjà fait ailleurs.

Qu’est ce qui fait que vos gâteaux remportent un tel succès à travers le monde ?

Pour comprendre je prendrais l’exemple de la tarte au citron qui me représente bien parce que c’est le juste équilibre entre le goût et les textures. On parle toujours du goût, partout. C’est le nerf de la guerre, bien entendu, mais s’il n’y a pas de texture, qu’elle soit moelleuse ou fondante, ou si elle n’a pas été maîtrisée comme il faut, la magie n’opère plus. C’est le travail du pâtissier, pour moi c’est travailler sur ce qu’on voit mais aussi sur ce qu’on ne voit pas. Résultat, on peut surprendre les papilles aujourd’hui avec une tarte au citron.

Comment ?

C’est simple : je fais une tarte au citron sans beurre (rire). C’est vrai. J’en avais assez de ce côté beurré de la crème et je cherchais à innover. Je l’ai fait sur des bonbons au chocolat, j’ai remplacé le beurre par du chocolat blanc. Je l’ai donc fait sur la tarte au citron en en mettant deux fois moins que le beurre et moins de sucre aussi.

C’est passionnant, vous avez toujours été aussi créatif ?

J’ai du mal à expliquer mon parcours. Cette passion m’est venue naturellement. A l’âge de 11 ans, j’étais en sixième je regardais déjà les émissions de télévision où la cuisine et la pâtisserie m’intriguaient. Le mélange des ingrédients d’une part, et puis les mettre au four, ça pousse, ça se développe, ça cuit, j’étais très intéressé. Ma mère m’a donc acheté un livre de cuisine familiale et j’ai découvert qu’on avait tous les ingrédients à la maison, je me suis donc mis à faire des recettes, comme le gâteau au yaourt. J’étais absolument fasciné, avec mes yeux d’enfants, de voir un gâteau que j’avais fait, gonfler dans le four, les odeurs envahir la cuisine et la maison, c’était magique. Le plus dur c’est de sortir un gâteau et t’attendre qu’il refroidisse ! Ce qui est certain c’est qu’on voit immédiatement si on a réussi notre expérience. Toute ma famille était contrainte de goûter mes recettes. Moi, ça me faisait vibrer.

Un jeu d’enfant en réalité ?

Exactement. C’était drôle et instructif à la fois. J’apprenais comment faire tenir les raisins dans un pain aux raisins. Ça peut paraître idiot, mais c’est une recette. Comment faire des étages de mousse, etc. Ma mère connaissait un ami boulanger et elle lui a demandé de me prendre à ses côtés. Le premier jour dans sa boulangerie m’a marqué à vie. J’ai eu toutes les réponses à mes questions sur les croissants, les pains, les gâteaux. Il m’expliquait tout, même comment faire tenir les choux sur les religieuses. J’étais motivé. Puis j’ai été apprenti dans la meilleure boulangerie de ma région. Il a vu ma passion et j’ai passé toutes les étapes, de meilleur apprenti du Finistère, à « meilleur apprenti  de France » :

Le maître boulanger m’a alors conseillé d’aller à Paris. Une nouvelle aventure a donc commencé. J’ai débuté chez Pelletier, qui pour moi ne faisait pas des gâteaux mais des œuvres d’art. C’était la plus grande pâtisserie de France.  J’ai souffert, parce que je suis passé d’une entreprise de 6 salariés à une de 50. On passe de football amateur à la Champions League.

Qu’est qui fait que vous vous êtes distingué ?

Ma persévérance. Mon entourage vous le dira, je ne lâche jamais rien. Je suis prêt à tout pour comprendre, analyser, y arriver et je pense que c’est ma force. Si je dois mettre un an à comprendre comment ça marche, je prendrais le temps. On a l’impression que la pâtisserie est simple, mais derrière c’est un travail énorme.

Vos origines bretonnes vous ont aidé professionnellement ?

Elles m’ont indirectement aidé oui, je me sers des produits bretons comme le beurre, le caramel, la fleur de sel. J’en mets partout de la fleur de sel, c’est d’ailleurs ma signature. Je suis capable d’en mettre dans la ganache au chocolat noir. Ca prolonge le gout du caco de quelques secondes.

Et quels sont vos desserts bretons préférés ?

J’ai beaucoup mangé de Far breton, j’en fais un jour sur deux quand je suis en Bretagne, mais je préfère le Kouign amann parce que c’est un produit exceptionnel avec beaucoup de simplicité. C’est une pâte à croissant avec peu d’ingrédients (farine, beurre, sucre, œufs) mais, si c’est bien caramélisé, si c’est bien cuit, si ce n’est pas trop sucré, bien feuilleté et qu’on le mange légèrement tiède, c’est un délice. Je ne vois pas ce qu’on peut faire de mieux.

Vous être gourmand non ?

Oui, je le suis oui. J’ai toujours adoré les pâtisseries. J’aurais pu être en cuisine, mais j’ai toujours préféré la pâtisserie.

Quels sont vos ingrédients fétiches ?

Ici, il fait déjà beau, c’est presque l’été, donc je privilégierais les fruits. Fruits rouges ou jaunes. Et c’est à nous de les travailler, les compoter, les sécher, ou prendre des fruits moelleux. J’aime aussi les produits grecs, comme les loukoums et aujourd’hui, on travaille sur un macaron au mastique et un autre à la lavande. On m’a dit qu’il y avait beaucoup de lavande en Grèce. Le mastique, c’est intéressant, ça me rappelle un peu l’amande amère.

Meringue ou Baklava ? Meringue parce que j’en ai tellement mangé depuis petit que je ne peux pas m’en lasser.

Pastis ou ouzo ? C’est un peu similaire mais je ne connais que le pastis, donc pastis.

Frappé ou petit noir ? Frappé.

Pita ou crêpes ? Les crêpes, c’est obligatoire.

Loukoumades ou crème brûlée ? Crème brulée.

Fêta ou camembert ? Le camembert, obligé.

Pour commander les pâtisseries d’Arnaud Larher : www.grandebretagnestore.com


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