L’après-séance du Festival : Mode et cinéma

L’après-séance du Festival : Mode et cinéma

Cette année, le thème de ce Festival du Film Francophone d’Athènes était la mode et le cinéma. En effet, ces deux mondes se rejoignent facilement tant les costumes peuvent être importants dans un film, surtout dans une époque où les effets spéciaux étaient inexistants. Les films sélectionnés ont bien illustré ce rapprochement, avec des costumes qui dépassent l’imaginaire.

Pour commencer ce festival, une master-class Dior, la mode et le cinéma a accueilli  Philippe Le Moult, secrétaire général du Musée Christian Dior, et le réalisateur Dominique Adt. Après avoir projeté le documentaire de ce dernier, “L’élégance du paradis perdu”, qui a introduit les travaux et valeurs du célèbre couturier, une discussion a suivi sur l’introduction de ses costumes au cinéma. Les créations de Christian Dior ont toujours eu pour ambition de valoriser la femme, pour qu’elle soit élégante, avec notamment des jupes longues et des hauts à la taille serrée et bien définie. La marque a surtout pris beaucoup de réputation lorsque Marlène Dietrich a insisté pour porter une robe Dior dans Le Grand Alibi avec la fameuse phrase : “No Dior, No Dietrich”. Après cet épisode, les créations du couturier ont habillé des actrices comme Melina Mercouri, Brigitte Bardot, Isabelle Adjani dans les films Topkapi, L’ours et la Poupée, Tout feu tout flamme, et beaucoup d’autres. Le créateur a même eu remporté l’Oscar du meilleur costumier en 1954 pour le film Indiscretion of an American wife. De nombreux stylistes le succèderont, comme entre autres Yves Saint Laurent qui prendra part à l’aventure Dior pendant 3 ans avant de créer sa propre marque, Marc Bohan qui renoue avec le style originel de Dior, Gianfranco Ferré, John Galliano, connu pour son extravagance et Raf Simons. Aujourd’hui, et depuis 2016, c’est Maria Grazia Chiuri qui est à la tête de la Maison de Haute Couture. Tous les héritiers ont repris la marque et imposé leur style particulier, que ce soit pour les soirées “tapis rouge” de nombreuses célébrités, ou pour certaines scènes de films. Revenons sur le rôle qu’a pu avoir la mode et les couturiers au cinéma, à travers une sélection de films issu du Festival du Film Francophone.

 

Le film Et Dieu… créa la femme, réalisé par Roger Vadim en 1956, est un exemple concernant la mode et la féminité. Brigitte Bardot qui interprète Juliette, une jeune femme qui ne cesse d’attirer le regard des hommes, est une véritable icône de la liberté sexuelle. Son personnage se pare des plus belles tenues qui sont représentatives de ce personnage décomplexé et qui ont contribuées à faire d’elle le symbole qu’elle a été. En effet, Brigitte Bardot incarne un style, avec ses robes et jupes cintrées, sa taille marquée, ses épaules dénudées et le col Bardot qui a même pris son nom. Les ballerines que portent Brigitte Bardot, par exemple, sont le résultat de la création de Jacob Bloch qui a transformé les chaussons de danse en chaussures de ville à la mode. Dans le film, ce sont les “ballerines Cendrillon” de Rose Repetto qui sont ainsi portées par l’actrice et qui retiennent l’attention. En 2012, la marque Brigitte Bardot est ainsi créée par Sarah Ohana pour “rendre la femme encore plus belle” et “afin de faire perdurer la légende BB”, et ceci probablement grâce à la réputation qu’a connue cette célébrité de renom après la sortie du film.

 

Tiré du livre de Joseph Kessel, Belle de nuit (1967) est, de son côté, un film mettant en scène la jeune Catherine Deneuve qui, pour assouvir ses fantasmes, travaille à temps partiel dans une maison close de luxe. Yves-Saint-Laurent s’occupa des costumes, mettant l’accent sur la double vie qu’elle mène entre le couple parfait, et sa double identité dans le monde du sadomasochisme. Mélangeant des longs manteaux colorés et des tenues très osées, il a voulu mettre en avant le corps de la femme de plusieurs façons, alternant classe et sensualité. Un film moderne pour l’époque où la sexualité de la femme est mise en avant, thème très rarement utilisé dans un film dans les années 1970. Aussi, la collaboration d’Yves Saint Laurent marque le début d’un nouveau monde, celui du mariage entre la mode moderne, avec la patte d’un des plus grands couturiers du XXe siècle, avec le cinéma.

La Belle et la Bête de Jean Cocteau, le plus vieux film sélectionné au Festival Francophone, est un parfait exemple de la relation entre la mode et le septième art. Première adaptation cinématographique du conte féérique avec Josette Day dans le rôle de Belle et Jean Marais dans le rôle de la Bête, le film est désormais un classique du cinéma français. Restauré en 2013, le film est très poétique. Malgré de longues scènes silencieuses ou des plans approximatifs, ce film d’une heure trente est très représentatif d’un cinéma des années 40, où les longs métrages commençaient à émerger et à se chercher. On voit cette recherche au début du film où l’on a l’impression d’assister à une pièce de théâtre, avec seulement des plans fixes. Cela vient sans doute de Jean Cocteau, le réalisateur, qui vient lui-même du monde du théâtre.Tout au long du film, les costumes prennent une place importante. Confectionnés par trois couturiers de la maison Paquin (une grande maison de couture de l’époque) les vêtements portés par les différents protagonistes du film ne passent pas inaperçus tant ils resplendissent, et ce même si le film est en noir et blanc. A commencer par les robes de la Belle après son arrivée au château de la Bête, et la Bête lui-même, qu’il soit un monstre ou après sa transformation à la fin du film. Petite référence à la mythologie grecque à la fin avec Diane (Artémis dans la mythologie grecque), déesse de la chasse. Celle-ci tue  d’une flèche Avenant (le prétendant de Belle), le transformant en une bête avant de mourir. Un film qui est loin de la version Disney de 2017 avec Emma Watson et Dan Stevens, mais qui mérite largement de ne pas tomber aux oubliettes.

Isabelle Adjani participe également à la démocratisation de la Haute couture au cinéma lorsqu’elle porte un costume Dior dans le film de Jean-Paul Rappeneau, Tout feu tout flamme réalisé en 1982, vingt-cinq ans après la mort du créateur. A cette période, c’est le couturier Marc Bohan qui est à la tête de la Maison de Couture. Celui-ci veut renouer avec l’esthétique originel de Christian Dior et ses créations toutes en classe et sobriété. Ici, l’actrice française en vogue joue le rôle d’une jeune polytechnicienne qui est contrainte de s’occuper de ses soeurs lorsque sa mère meurt. Le film, concentré sur les rapports conflictuels entre ce personnage et son père, dévoile une robe blanche aux épaules dénudées et au noeud serré dans le dos, porté par la belle Isabelle Adjani. Les Grands Couturiers sont ainsi présents dans tous types de film, que ce soit de la comédie, du drame ou de la romance, et sont là pour magnifier les personnages et acteurs de cinéma. Synonymes de style, de classe et de féminité, leurs créations restent  encore aujourd’hui ancrées dans l’histoire du cinéma.

Johanna Bonenfant & Lucie Rochette––Montalieu


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