10 journées dans la vie d’une ville : 1er décembre 1834, Othon Ier devient roi de Grèce

10 journées dans la vie d’une ville : 1er décembre 1834, Othon Ier devient roi de Grèce

"L'entrée d'Othon 1er dans Athènes" par Peter von Hess, 1839

De la victoire de Thémistocle contre les Perses à la Seconde Guerre mondiale, Bonjour Athènes avec Le Figaro Hors-Série vous raconte dix journées phares de l’histoire de la capitale grecque. Aujourd’hui, le récit de la prise de pouvoir du jeune monarque, fils du roi de Bavière.

Après huit longues années de guerre, de massacres et une bataille navale perdue contre la France, l’Angleterre et la Russie au large de Pylos, à Navarin, la Sublime Porte a dû reconnaître l’indépendance de la Grèce. Les grandes puissances l’ont dotée d’un roi.

Dans les temps anciens, l’Attique a eu des souverains légendaires, mais nul ne se souvient de Cécrops ou d’Erichthonios, sinon les philhellènes. Ils se sont beaucoup démenés pour la cause des Grecs, récoltant des fonds, envoyant des armes aux combattants de la liberté. Quelques-uns se sont eux-mêmes engagés et ont trouvé la mort dans les affrontements comme lord Byron à Missolonghi.

Prince Octave de Bavière, Roi de Grèce, part Joseph Stieler

Othon Ier, le fils du roi de Bavière, est philhellène. Tout comme son père qui, sur ses propres deniers, avait racheté des Grecs vendus comme esclaves après la tuerie de Chios et avait pourvu à l’éducation de leurs enfants. En ce 1er décembre, le jeune monarque fait son entrée dans la capitale à la tête d’un convoi insolite qui remonte du Pirée vers Athènes sous le regard ébahi de ses habitants. Les mules sont chargées de fauteuils. Les ânes de guéridons. Les chevaux transportent des archives. Les chameaux des malles. Plusieurs carrosses se suivent. On a aussi emprunté des vieux fiacres, un landau allemand, un omnibus français et même un corricolo napolitain. La demeure d’un riche marchand, fraîchement construite, a été réquisitionnée pour accueillir Othon Ier. Tout ce qui tient encore debout dans Athènes, maisons, églises, mosquées, hammams, étables, tribunaux, commerces, va abriter l’administration royale et la Cour. Des architectes bavarois sont déjà à pied d’œuvre pour tracer les grandes lignes d’un plan d’urbanisme qui doit tenir compte des espaces réservés aux fouilles archéologiques auxquelles le jeune roi tient beaucoup.

Athènes souffre du manque d’eau. Ses canalisations et ses égouts sont vétustes et souvent hors d’usage. L’aqueduc doit être restauré. Seuls les puits fonctionnent encore ainsi que quelques fontaines. Les Athéniens ne comprennent pas que leur nouveau souverain songe, dans ce marasme, à déterrer en priorité des morceaux de colonnes ou de frises, des statues ou des bas-reliefs. Ils ne sont pas non plus convaincus que la construction d’un palais soit une urgence. En réalité, très vite, ils comprennent que le monarque et son entourage songent davantage au passé glorieux de l’Hellade qu’à leur vie quotidienne dans une cité dévastée. Le mécontentement éclate lorsque les premières expropriations entrent en vigueur. Le Conseil de régence, qui gouverne en attendant la majorité d’Othon Ier, suspend les réquisitions et un nouvel architecte est dépêché à Athènes par le roi de Bavière. Leo von Klenze dresse un nouveau plan qui réduit la surface des fouilles et dessine une ville nouvelle au nord-est.

L’escadron international transportant le prince Otto de Bavière pour devenir roi de Grèce tire une salve au large de Nauplie, février 1833 par Giovanni Schranz

Un roi assidu au travail mais hésitant

En 1835, Othon est déclaré majeur. Il va se montrer assidu au travail, plein de bonne volonté mais hésitant. Comme d’autres Wittelsbach, il est sujet à des crises d’angoisse, voire de neurasthénie. Son couronnement va susciter un nouveau conflit car il refuse de se convertir à l’orthodoxie. Le Saint-Synode, de son côté, ne conçoit pas de sacrer un «schismatique».

Promenade du Roi Othon et Reine Amelia de Grèce, dans Athènes, années 1850, auteur inconnu

Sur l’injonction de son père, Othon quitte la Grèce pour chercher une épouse. Il revient en 1837 avec sa femme, Amélie d’Oldenbourg. Le couple s’installera au palais royal de style néoclassique. Athènes dispose maintenant d’un théâtre, d’auberges, de restaurants, de nombreux kiosques à musique où l’on joue des valses. L’aqueduc fonctionne. Les canalisations ont été réparées. Une société d’archéologie a été créée. Mais les Athéniens murmurent toujours. Ils supportent de moins en moins bien l’administration bavaroise qui a décrété l’allemand comme deuxième langue officielle du royaume. Une première révolte éclate en 1843. Othon est mis devant le fait accompli: la Grèce veut devenir une monarchie constitutionnelle. Le roi hésite à accepter cette restriction de ses prérogatives puis s’incline devant la volonté de son peuple. Il arbore dès lors une fustanelle. Ce sera insuffisant pour forcer le respect des Athéniens.

Othon et Amélie n’ont pas d’enfant. Leurs sujets estiment que leur monarchie n’a pas d’avenir. Le 23 octobre 1862, le couple royal est en déplacement tandis qu’à Athènes le roi est destitué à l’issue d’un nouveau coup de force suscité par les Britanniques. Othon est contraint à l’exil. Il a aimé la Grèce ou du moins celle de son imaginaire. Il n’a pas su ou pas pu comprendre que le peuple qui lui avait été confié refusait de n’être que le gardien du passé.

L’expulsion d’Othon 1er en 1862, auteur inconnu


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