10 journées dans la vie d’une ville (5/10) : La colère de Sylla 

10 journées dans la vie d’une ville (5/10) : La colère de Sylla 

L'Acropole par Leo von Klenze

Les Perses la ravagèrent avant que Périclès ne lui redonne sa splendeur. Socrate en parcourut les ruelles. Sylla y restaura l’autorité de Rome par le glaive. Elle fut soumise à la domination ottomane, aux bombardements vénitiens et à l’occupation nazie. Elle demeure, malgré ses tourments, la capitale d’une Grèce éternelle. Afin de mieux comprendre le passé d’Athènes, Bonjour Athènes vous propose une série de 10 articles écrits par Irina de Chikoff pour le Figaro.

86 avant J.-C. : La colère de Sylla

Après cinq mois de siège, Athènes, affamée, est investie par les troupes romaines du consul Lucius Cornelius Sylla.

Rome intervient dans les affaires grecques depuis qu’au IIIème siècle avant J.-C., Philippe V, le roi de Macédoine, a fait la folie de s’allier à Carthage pour imposer sa domination sur l’Illyrie. Trois guerres successives ont permis aux Romains de se poser en protecteurs des cités grecques contre l’hégémonie macédonienne. En 196 avant J.-C., un consul, Titus Quinctius Flamininus a déclaré solennellement aux Jeux isthmiques que les Grecs étaient « libres, exempts de garnisons et de tributs, jouissant de leurs propres lois ».

Mais l’étreinte s’est resserrée. Les affaires grecques ont fini par être traitées au sénat de Rome où les délégations d’Hellènes se sont succédé. Le concept de fides régit, en principe, les rapports entre Rome et Athènes. En réalité, il s’agit d’un protectorat.

En 146 avant J.-C., la Macédoine a été réduite à la condition de province romaine. Soixante ans plus tard, le flambeau de la résistance grecque a été repris par le souverain du Pont, Mithridate. Il suscite des ralliements dans nombre de régions de l’ancienne Hellade. En 88 avant J.-C., depuis Ephèse où il réside, Mithridate a ordonné le massacre des Romains et de leurs alliés italiens résidant en Asie Mineure. Près de quatre-vingt milles hommes, femmes et enfants ont péri.

Le souverain du Pont a envoyé en Grèce un de ses généraux, Archélaos, chargé de rallier de nouvelles cités à sa cause. Le sophiste Aristion, qui dirige Athènes, a convaincu l’Assemblée de rejoindre sa coalition.

Rome a tardé à réagir car la République était alors en pleine « guerre sociale » avec des alliés italiques, qui réclamaient le droit à la citoyenneté. Aussitôt que l’ordre a été rétabli, le consul Lucius Cornelius Sylla est parti pour la Grèce revêtu de l’imperium. Il a débarqué avec ses légions, a pillé les sanctuaires pour financer sa campagne et obtenu la soumission de la plupart des cités dans lesquelles il s’est présenté. A Athènes, Aristion est décidé à résister. Sylla établit deux sièges. Le premier autour d’Athènes. L’autre devant le Pirée.

Tout comme Titus Flamininus en son temps, Sylla, dont la famille fait partie de la gens Cornelia, passe pour un philhellène. Il a une solide connaissance de la culture antique et, dans sa jeunesse, a séjourné en Hellade. Mais on peut aimer Homère, Hésiode, Démosthène, Socrate et Platon, tout en estimant qu’Athènes a trahi la confiance de Rome. Lucius Cornelius Sylla n’éprouve aucun scrupule.

Etabli à l’automne 87 avant J.-C., le siège d’Athènes dure cinq longs mois. Le Pirée, qui n’est plus relié à la cité par les Longs Murs, est défendu par Archélaos. Autour du port, la flotte pontique le ravitaille et le protège d’une tentative de débarquement. Mais à Athènes, tout manque. Les habitants n’ont presque plus d’eau. Ils mangent de l’herbe et font bouillir des ceinturons de cuir.

A la fin du mois de février, des espions découvrent une faille dans le dispositif athénien du côté du quartier de l’Heptachalcon à l’occident de la porte Hyera. Aucun garde n’y est posé. Sylla ordonne immédiatement d’escalader la muraille. Le 1er mars 86 avant J.-C., les troupes romaines investissent la cité.

Durant trois jours, Sylla laisse ses hommes se déchaîner sur les Athéniens tandis qu’il fait condamner à mort et exécuter Aristion. Seul Archélaos lui échappe. Le Pirée est détruit, mais le consul interdit toute déprédation des monuments ainsi que le pillage des bâtiments publics ou des sanctuaires de l’Acropole. Au troisième jour, les sénateurs qui accompagnent Sylla interviennent auprès de lui afin qu’il fasse cesser le massacre.

Sylla ne s’attarde pas à Athènes, il part combattre Mithridate. Le roi du Pont est écrasé à Chéronée. Lucius Cornelius sera plus indulgent avec lui qu’avec les Athéniens. Il signe un traité de paix. Installé à Ephèse, le consul réorganise la région puis retourne en Attique où il restera toute une année.

Les Athéniens pansent leurs plaies. Le consul, lui, se fait ouvrir les bibliothèques et découvre dans un coffre les livres d’Aristote et de Théophraste. Il les emportera avec lui, ainsi que des colonnes de marbre destinées au temple encore inachevé de Zeus olympien. Elles seront utilisées pour le sanctuaire de Jupiter capitolin. Avant de rentrer à Rome, Lucius Cornelius prend le temps de se faire initier aux mystères d’Eleusis.

Une série de 10 articles écrits par Irina de Chikoff pour le Figaro Hors Série. Lire la suite : boutique.lefigaro.fr


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